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Pourquoi je manifesterai le 17 novembre comme écologiste et pour l'écologie

Tribune de Jean-Joseph Boilot, agrégé de sciences économgrégé de sciences économiques et sociales et docteur en économie, avec son aimable autorisation

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Pourquoi je manifesterai le 17 novembre comme écologiste et pour l'écologie


La France a besoin d’une politique de frugalité, pas d’un État techniciste qui accumule erreur sur erreur.

Les «fake news» volent bas à l’approche de la journée dite d’action citoyenne du 17 novembre. Il y a celles des populistes, celle des enragés au volant de leur SUV. Mais il y a aussi celles du camp opposé qui cherche à tout prix à faire tomber un mouvement populaire dans les bras de l’extrême droite. Au nom de cette menace, certains écologistes ont choisi de rallier le camp des opposants à la journée du 17 novembre. Ils pourraient bien ressembler à ce renard du Panchatantra qui finit écrasé dans le duel des deux taureaux. Ils ont déjà perdu le ministre Hulot. Ils pourraient maintenant perdre le soutien populaire absolument nécessaire au succès de la transition écologique.

Non, je manifesterai le 17 en écologiste et au nom de l’écologie, et ce pour trois raisons.

1) D’abord en tant qu’économiste. Comme pour la cigarette, des hausses saupoudrées n’ont jamais changé les comportements ni compensé les coûts réels d’une addiction. Depuis le choc pétrolier de 1973, on sait qu’il faudrait multiplier le prix des carburants par 5 environ pour inverser la consommation. Ensuite, il existe des solutions bien plus justes et efficaces que des taxes indirectes qui n’épargnent que les riches. C’est l’investissement dans des réseaux de transport et d’habitat écologiques. Or la très forte sensibilité sur le diesel par exemple est le fruit des «erreurs» de politiques économiques passées. Les taxes d’hier ont servi à des investissements routiers surdimensionnés qui alimentent la pollution d’aujourd’hui. Qui peut croire que les déficiences systématiques des réseaux de transport interurbains (RER) et régionaux (TER) ne constituent pas une incitation massive à l’utilisation de la voiture individuelle ? Bref, la France a besoin d’une politique de frugalité cohérente dans les transports et l’habitat, pas d’un État techniciste qui accumule erreur sur erreur dans ses politiques.

2) La deuxième raison est morale. Nous connaissons l’adage : « Ne fais jamais à autrui ce que tu ne voudrais pas qu’on te fasse.» Nos plus hauts responsables vrombrionnent autant qu’ils vibrionnent. Ils vivent de ces taxes alors qu’ils sont très loin d’être eux-mêmes engagés dans la transition écologique. Le contraste est ici singulier entre la République impériale française et les pays nordiques ou même l’Allemagne.

Comme le disait un des premiers grands écologistes de l’ère industrielle, Henry David Thoreau, il n’y a jamais de refus de payer des impôts légitimes, mais il y a un devoir de désobéissance civile quand ces impôts ne servent pas le bien commun ou bien qu’ils sont contraires à vos engagements moraux. Et bien, que le gouvernement et son d’administration s’engagent publiquement à la neutralité carbone d’ici 2030-2050. Qu’ils publient chaque année un bilan de leurs émissions de CO2. Leur légitimité à percevoir des taxes écologiques y gagnerait et nous verrions les citoyens français, dont toutes les enquêtes d’opinion montrent qu’ils sont soucieux de l’avenir de la planète, réagir différemment.

3) Il y a enfin une raison de philosophie politique. Le ras-le-bol contre l’État jacobin peut être interprété comme du populisme récupérable par l’extrême droite. Il n’en exprime pas moins l’essence de toute la pensée écologiste qu’on trouve chez ses fondateurs pour qui l’avenir repose sur des fédérations de communautés se prenant en charge elles-mêmes contre des États tentaculaires et totalitaires par essence.

Face aux menaces d’effondrement, Jared Diamond montre qu’il y a deux solutions possibles. L’adaptation par en haut (top-down) ou par en bas (bottom-up). Le cas français témoigne d’un échec de la première, sans doute lié à la formation historique d’un État soumis aux groupes de pression ou grandes écoles qui l’ont porté sur les fonds baptismaux depuis Napoléon voire Colbert.

Il faut alors faire appel au plan B. Il n’y aura de transition écologique en France qu’au prix d’un profond mouvement de décentralisation vers les régions et les territoires, avec une ingéniosité locale, des moyens adaptés aux situations et un principe très simple de responsabilité des élus et acteurs économiques : pollueur-payeur. C’est le cas en Allemagne, ainsi qu’en Suisse où les cantons perçoivent et dépensent près de la moitié des impôts et taxes sans qu’on observe de moins-disant fiscal ou écologique, au contraire. Et il reste une bonne moitié pour les échelons supérieurs et la solidarité.

Beaucoup d’agendas vont se croiser le 17 novembre. Il serait dommage que l’agenda écologiste soit absent de l’offre politique, laissant à nos concitoyens l’agenda que l’on sait brun.



Jean-Joseph Boillot, le 15 novembre 2018, Economiste, auteur notamment de
« Chindiafrique, la  Chine, l'Inde et l'Afrique ferontle monde de démain ». Odile Jacob 2014



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